La perversion narcissique ►


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Avec Quentin Bonnald, psychologue clinicien au CRIAVS Île-de-France.
Réalisé par Sébastien Brochot, préventeur-formateur au CRIAVS Île-de-France.
Le CRIAVS Île-de-France est un service des Hôpitaux de Saint-Maurice dirigé par Dr Walter Albardier.

Le concept de perversion narcissique, que l’on doit à Paul Claude Racamier, fait référence à un mode de fonctionnement relationnel pathologique, par lequel une personne va coloniser le psychisme d’une autre personne.

Celui qui met en place de tels liens se sert de l’autre et le disqualifie pour asseoir sa confiance en lui, pour soutenir son ego.

Il existe des individus dont l’équilibre psychique nécessite d’instrumentaliser l’autre, de l’humilier et le dominer en raison de leur propre fragilité.

Ce lien pervers à l’autre crée un niveau de dépendance de l’un comme de l’autre des partenaires qui y sont impliqués.

Ce concept fait référence à un fonctionnement complexe, et les professionnels font attention au fait que la question n’est pas du tout d’identifier un pervers narcissique ou de le diagnostiquer, mais de prendre en charge ceux qui se sont trouvés pris dans ces liens pathologiques et pour qui les conséquences sont dramatiques.

Cela nécessite généralement beaucoup de temps et une prise en charge psychothérapeutique pour se remettre de violences psychologiques, plus ou moins insidieuses.

La prise en charge de ceux qui mettent en place de façon récurrente ce type de lien dans leur relation n’est pas aisée.

Cela nécessite que la personne reconnaisse sa difficulté, sa souffrance, que le lien d’emprise est justement censé pallier et dissimuler.

Parfois la psychothérapie va être rendue possible par l’intervention de la justice, lorsque des faits de violences ont été commis.

Mais le terme de « pervers narcissique » est très souvent utilisé aujourd’hui. Dans un certain nombre de cas, il désigne des liens devenus pathologiques au sein du couple, de la famille ou de l’institution. Il est souvent employé pour évoquer l’emprise qu’aurait exercée sur nous une personne avec laquelle nous avons été dans une relation forte.

Il peut s’agir par exemple d’un collègue ou d’un supérieur hiérarchique, d’un parent, mais plus souvent de quelqu’un avec qui nous avons partagé une relation amoureuse.

Et c’est justement lorsque cette relation se termine que ce terme de « pervers narcissique » est souvent utilisé.

On l’emploie généralement pour insister sur les dimensions d’abus et d’emprise qui ont existé dans cette relation.

Lorsqu’on a partagé une grande intimité avec quelqu’un, l’enjeu va être de pouvoir se retrouver avec soi-même, de renoncer à ce que nous partagions avec l’autre, et de s’autoriser à en ressentir le manque.

C’est un des objectifs du travail de deuil : identifier ce que l’on perd, faire le compte de ce qui nous reste, et accepter de vivre avec ses défauts et ses manques.

Même les relations amoureuses nécessitent un travail de deuil lorsqu’elles se terminent.

Mais c’est parfois compliqué de pouvoir identifier ce qui appartient à soi et ce qui appartient à l’autre.

En fait, dans toutes nos relations importantes, nous sommes attachés à l’autre, mais nous sommes aussi attachés à qui nous sommes dans cette relation et à ce qu’elle nous fait ressentir.

On pourrait dire qu’il y a toujours une part égoïste dans chaque relation.

On pouvait par exemple se sentir valorisé et reconnu à certains moments et sentir que l’autre nous complétait.

C’est donc aussi à certaines des représentations valorisantes de soi qu’il va falloir renoncer.

À la suite d’une rupture amoureuse, on peut avoir le sentiment que l’autre part avec une partie de nous qui est essentielle pour aimer et se sentir aimé, voir qu’elle est vitale.
En somme, que l’autre s’est servi de nous pour se grandir et qu’il l’a fait intentionnellement.

Donc désigner l’autre comme pervers narcissique revient avant tout à dire à quel point on se sent dépendant de lui pour aimer et se sentir aimé et que maintenant que le lien est rompu, on regrette de lui avoir accordé une place si grande auprès de nous.

Ainsi, sans le savoir, on emploie trop souvent le terme de « pervers narcissique » pour parler de ce que l’on ressent, plutôt que pour parler de l’autre et de ses intentions. Ce terme est souvent utilisé comme un faux ami.

Il faut donc prendre des précautions vis-à-vis de cette notion de perversion narcissique, notamment lorsqu’elle sert à désigner ce sentiment de perte, qui est inévitable dans bien des relations humaines.

Je vous recommande l’ouvrage de Mickaël Benyamin « La perversion narcissique », qui aborde en profondeur ce concept, sous un angle psychanalytique.

Emprise et auteurs de violences sexuelles ►


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Avec Chloé Danguy Teyssier, psychologue au CRIAVS Île-de-France.
Réalisé par Sébastien Brochot, préventeur-formateur au CRIAVS Île-de-France.
Le CRIAVS Île-de-France est un service des Hôpitaux de Saint-Maurice dirigé par Dr Walter Albardier.

Dans la prise en charge sanitaire des auteurs de violences sexuelles, un élément revient régulièrement : ce sont des patients qui, souvent, ne perçoivent pas l’altérité. C’est à dire qu’ils ne considèrent pas l’autre comme sujet. Pour comprendre cela, il faut s’intéresser de plus près à ce qu’on appelle l’emprise.

L’emprise renvoie, étymologiquement, à deux sens : prendre et entreprendre. Elle relève autant de l’idée de se saisir que de celle du projet.

L’emprise, c’est une sorte d’interdit de toucher l’autre qui n’est pas intégré, c’est le fait de résoudre toute tension par un contact physique.

L’auteur de violence sexuelle, en « usant » d’emprise, agit comme l’enfant qui s’agrippe à sa mère et serait en recherche permanente de contact avec elle.

Ainsi, l’emprise est devenue son mode de relation privilégié puisque, enfant, il a pris l’habitude de résoudre ses tensions par le contact physique avec sa mère, sans limitation de la part de celle-ci, dans une forme d’indifférenciation d’avec l’autre.
Le processus d’autonomisation n’a pas pu se faire, parce que le sujet craint la séparation ou se sent disqualifié par une autonomie naissante ou encore parce que le sujet ne se reconnait pas de besoin d’autonomie de sujet.

Les patients auteurs de violences sexuelles ont acquis ce type de construction du fait d’une structure familiale pathologique. Paul Claude Racamier parle de climat incestuel où l’autre, dans sa dimension d’altérité, n’est pas véritablement perçu. Il parle de ce flou intra-familial dans lequel certaines familles sont plongées. Et ça se traduit par l’idée que le sujet peut toucher sans conséquence. L’enfant n’est pas perçu comme autre car il n’y a pas vraiment de frontière entre les individus. Cela amène une altération profonde des processus d’individuation. Comme il n’existe pas de séparation psychique nette des individus, cela empêche toute individualité. Ce qui conduit à utiliser l’emprise comme mode de relation à l’autre.

Ce mécanisme d’emprise va parfois se rejouer dans le cadre de la relation thérapeutique. Un patient demandera en quelques sortes d’avoir son thérapeute en permanence sous la main. Il s’agira pour le thérapeute de ne pas travailler seul et de pouvoir régulièrement échanger avec ses collègues sur le suivi.